Notre système de santé est à la fois coûteux et inefficace. Mais nos responsables politiques, tétanisés, jouent de simples mesurettes par peur d’un embrasement corporatiste. Il faut désormais avoir le courage d’une vraie réforme, plaide Guy Vallancien.
« Axé quasi uniquement sur le seul soin, notre système de santé boiteux coûte inutilement cher pour des résultats médiocres. » (SEBASTIEN BOZON/AFP)
Par Guy Vallancien (membre de l’Académie de médecine)
Publié le 5 sept. 2024
Loin de quelques aménagements à la marge, c’est une véritable mutation dans l’organisation de notre système de santé que les pouvoirs publics devraient promouvoir sans attendre. A ne vouloir fâcher personne, impossible de transformer les modes d’action et les institutions en charge de la prévention, du soin et de la réhabilitation, les trois piliers d’un véritable système de santé adapté aux besoins de la population.
Axé quasi uniquement sur le seul soin, notre système boiteux coûte inutilement cher pour des résultats médiocres. La Suède, autrement mieux organisée, ne met à la disposition de sa population que 2,1 lits d’hôpitaux pour 1.000 habitants quand la France en aligne 5,8 pour 1.000, quasi trois fois plus. Résultat ? L’espérance de vie en bonne santé des Suédois est de 72 ans, contre 65 chez les Gaulois réfractaires ! Cherchez l’erreur.
La Suède possède des moyens de prévention et de soins primaires bien plus efficaces et bien mieux maillés que notre pays où, à longueur de journée, les syndicats hospitaliers scandent « plus de lits, plus de personnel, plus d’argent » sans jamais remettre en cause le trop-plein d’établissements à l’activité médiocre. La médecine libérale, de son côté, au cri de « touche pas à ma liberté d’installation et de prescription ! », refuse de réviser ses modalités d’exercice d’un autre âge.
Tarification à l’activité
Devant ce désordre, nos responsables politiques, tétanisés, jouent de simples mesurettes par peur d’un embrasement corporatiste. Il est pourtant plus que temps d’avoir le courage de lancer de vraies réformes autour des axes suivants.
Primo, réduire le nombre d’hôpitaux en transformant les plus de cent établissements à trop faible débit chirurgical et obstétrical pour être performants. On maintiendra les bâtiments et les personnels pour créer des « Cités Santé » de premier recours, développant les outils nécessaires à des actions massives de prévention primaire et secondaire, prenant en charge des soins courants et des petites urgences, assurant la réhabilitation, offrant des locaux aux associations de patients et travaillant de concert avec les groupes hospitaliers plus importants comme avec les communautés professionnelles de territoire de santé voisines.
Secundo, adopter la tarification à l’activité. Contrairement aux dires de ses détracteurs, elle est vertueuse. Mais à la condition expresse, jamais observée, de financer les établissements sur la base d’une évaluation permanente de la qualité des prestations effectuées. Sont-elles justifiées et correctement réalisées ? En l’absence d’un tel contrôle, la dérive d’un surcroît d’actes inutiles et parfois dangereux continuera à nuire aux patients tout en plombant les comptes de la Sécurité sociale. C’est une véritable honte : comment ose-t-on accepter des variations de 1 à 5 dans la mise en place des stents cardiaques ou de la chirurgie bariatrique ?
La médecine libérale agonise
Tertio : réaliser que la médecine libérale, telle que la défendent certains syndicats, agonise. La jeune génération de médecins préfère majoritairement le salariat ou la rémunération au forfait horaire et à la capitation plutôt qu’à l’acte, mode de rémunération qui s’explique notamment par l’augmentation de la fréquence de consultations plus longues auprès des patients plus âgés . La liberté d’installation doit disparaître comme c’est déjà le cas pour les pharmaciens et les infirmiers, permettant un maillage territorial adapté à l’importance de la population.
Quattro, intégrer dans nos politiques l’aide considérable qu’offrent les technologies d’IA et de robotique, qui bouleversent de fond en comble les pratiques. A l’aune de ces nouvelles technologies numériques et du renforcement du rôle des autres professionnels en matière de diagnostic et d’indication thérapeutiques, le schéma traditionnel reposant sur le passage obligé par l’ordonnance médicale s’effondre. Conséquence : augmenter le nombre de carabins n’a aucun sens, sauf à former de futurs chômeurs en 2040.
Guy Vallancien est membre de l’Académie de médecine.