Le virus du Nil occidental, une maladie mortelle qui gagne du terrain en Europe

Transmis à l’homme par certains moustiques, le virus du Nil occidental peut entraîner, dans ses formes les plus graves, des atteintes neurologiques irréversibles. Longtemps considéré comme lointain, il gagne du terrain en Europe sous l’effet conjugué des oiseaux migrateurs et du réchauffement climatique.

06/08/2025

Une piqûre de moustique peut avoir des conséquences neurologiques dramatiques. En Italie, trois décès liés au virus « West Nile » ont été enregistrés en une seule journée, mardi 5 août, portant le bilan total à 13 morts depuis début 2025. L’ltalie, où la circulation du virus est confirmée dans 31 provinces réparties sur dix régions – principalement la Campanie (région de Naples) et le Latium (région de Rome) – est à ce jour le pays européen recensant le plus grand nombre d’infections par le virus du Nil occidental (VNO).

Transmis à l’homme par les moustiques, le virus, de son nom latin « orthoflavivirus nilense », entraîne une fièvre brutale, parfois associée à des complications neurologiques sévères chez de nombreuses espèces animales.

Identifié en premier lieu en Afrique de l’Est, il est aujourd’hui endémique dans le pourtour méditerranéen, en Europe centrale et en Amérique du Nord, où il est responsable de plusieurs cas mortels, comme il en a été recensés en Grèce continentale, en Italie du Sud et aux États-Unis.

En France, un cas autochtone – ce qui signifie que le patient n’a pas contracté la maladie après un voyage dans une zone contaminée dans les 15 jours avant la survenue des symptômes – a été identifié pour la première fois de l’année en juillet en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, selon le bulletin de surveillance des arboviroses diffusé le 30 juillet par Santé publique France.

Comment ce virus, aujourd’hui solidement installé en Europe et en Méditerranée, a-t-il fait son apparition sur le continent, comment se transmet-il, et comment se soigne-t-il ? France 24 fait le point.

D'où vient ce virus ?

Isolé pour la première fois en 1937 dans le district de West Nile en Ouganda, le virus du Nil occidental, un flavivirus de la même famille que ceux responsables de la dengue ou de la fièvre jaune, « a initialement été introduit [en Europe] par des oiseaux migrateurs venus d’Afrique », explique Santé publique France.

« Les phénomènes d’introduction par des oiseaux migrateurs se conjuguent à l’endémisation progressive. Depuis 2010, on observe une circulation plus importante en Europe, en Russie et sur le pourtour méditerranéen. »

En Europe du Sud, le virus est désormais bien présent chez les oiseaux ; les premiers cas de chevaux infectés ont été signalés en Toscane, en Italie, au début des années 2000 ; et des infections humaines ont été signalées dans diverses régions d’Italie depuis 2008.

En France, un premier foyer équin a été identifié en 1962 chez des chevaux de Camargue, et réapparu en 2000. Depuis, des cas de chevaux infectés sont signalés presque chaque année dans le Sud, principalement en Camargue, dans le Languedoc et en région Paca.

Quelques cas de transmission à l’homme avaient été recensés en 1962, puis en 2003, où des cas humains et équins ont été détectés dans le Var.

Depuis 2015, une circulation régulière est repérée avec des cas humains autochtones détectés chaque été dans le sud de la France. En 2024, 38 cas humains autochtones ont été enregistrés dans le Var, l’Hérault, le Gard, la Gironde et les Pyrénées-Atlantiques. Un record.

À qui et comment se transmet-il ?

Le virus ne se transmet pas d’humain à humain, mais par la piqûre de moustiques, en particulier du genre Culex. Les autres réservoirs comprennent les oiseaux sauvages (réservoirs naturels) et certains mammifères, notamment les chevaux, mais aussi dans certains cas les chats, les chiens et les lapins (hôtes accidentels, tout comme l’homme).

Les moustiques se contaminent en se nourrissant sur des oiseaux infectés. À l’occasion d’une autre piqûre, ils peuvent transmettre le virus à un autre oiseau ou à un hôte accidentel, comme l’homme ou le cheval.

« L’homme et le cheval représentent des ‘culs-de-sac épidémiologiques’ pour le virus West Nile, car la quantité de virus dans le sang est insuffisante pour infecter le moustique lors d’une piqûre et permettre ainsi la transmission de la maladie », précise Santé publique France.

Quels sont les symptômes ?

La majorité des personnes infectées par le virus ne présentent pas de symptôme, mais dans 20 % des cas, il peut provoquer une fièvre d’apparition brutale, des maux de tête, des nausées, des vomissements, un gonflement des ganglions lymphatiques, des douleurs articulaires et musculaires et des éruptions cutanées. Des symptômes qui peuvent varier de quelques jours à quelques semaines, et varient selon l’âge.

« Les virus saisonniers étant rares à cette période de l’année, il est conseillé de suspecter le virus du Nil occidental et de se faire tester dans ces cas », précise au quotidien italien Corriere della Serra le professeur Carlo Federico Perno.

Environ une personne sur cinq développe de la fièvre, et moins d’une sur 100 développe une maladie grave affectant leur système nerveux central (méningite, encéphalite). Plus rarement encore, d’autres complications telles qu’une hépatite, une pancréatite ou une myocardite peuvent apparaître, précise l’Institut Pasteur.

Environ une personne sur dix qui développe des problèmes neurologiques décède de la maladie.

Quel traitement ?

S’il existe un vaccin équin commercialisé contre la fièvre du Nil occidental, il n’existe pas, à ce jour, de traitement spécifique pour les êtres humains. Seuls les symptômes peuvent être traités lorsqu’ils sont présents, les cas graves devant être pris en charge en milieu hospitalier, en service de réanimation si besoin.

Pourquoi en entend-on davantage parler cette année ?

« En 2025, il semble y avoir plus de cas que les années précédentes, probablement en raison de coïncidences liées à la présence d’oiseaux sauvages, réservoirs naturels du virus », explique au Corriere della Serra le professeur Carlo Federico Perno. En Italie, « les zones marécageuses, comme les marais pontins ou la vallée du Pô, sont les plus exposées », poursuit-il.

En décembre dernier, une étude du Barcelona Supercomputing Center analysait les données de plus de 3 000 cas de virus du Nil occidental dans 20 pays européens, constatant que le changement climatique a directement augmenté la probabilité de circulation locale du virus en Europe.

Selon cette étude, environ 33 % des cas neuro-invasifs (la forme la plus grave d’infection par le virus) en Europe entre 2014 et 2022 étaient attribuables à des températures élevées, et 13 % à des précipitations exceptionnelles. Des températures hebdomadaires supérieures à 23°C étaient associées à un pic de risque après deux semaines.

En mai dernier, des traces génétiques du virus du Nil occidental ont été détectées pour la première fois chez des moustiques britanniques – l’une des détections confirmées du virus les plus septentrionales en Europe à ce jour.

« La détection du virus du Nil occidental au Royaume-Uni s’inscrit dans un contexte plus vaste de mutations, où, sous l’effet du changement climatique, les maladies transmises par les moustiques se propagent à de nouvelles zones », expliquait alors le docteur Arran Folly, arbovirologue de l’Autorité de santé animale et végétale (APHA).

La progression du virus du Nil occidental illustre ainsi un enjeu sanitaire majeur : celui de maladies longtemps considérées comme « tropicales », désormais bien présentes sous nos latitudes. Une réalité que le réchauffement climatique pourrait rendre incontournable dans les années à venir.

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